La formation des maîtres mise à mal

Publié le par Stéphane Guinot

 

Depuis de nombreux mois, la formation des maîtres est dans le collimateur du gouvernement avec le processus de « mastérisation ». Cette réforme aura des conséquences graves puisqu'elle aura pour effet de dégrader la formation des enseignants dans le seul but de réaliser quelques économies. Visiblement, nos dirigeants ont une drôle de manière de hiérarchiser les priorités puisqu'ils n'hésitent pas à dépenser 16,6 millions d'euros en une journée (soit près de 10% du coût total de la présidence française de l'Union européenne) pour organiser une petite bouffe entre amis... Retour sur une réforme qui va participer à modifier dangereusement et fondamentalement notre système éducatif.

 

Un manque de concertation évident

Peu de temps après son élection, Sarkozy décide unilatéralement d'engager le processus de mastérisation. Cela fait suite à la mise en place, par le gouvernement, de la LRU (loi relative à l'autonomie des universités). Un puissant mouvement de refus a alors mobilisé les personnels et les étudiants des universités et de certains IUFM.

Le mouvement demandait notamment l'arrêt de la réforme pour se donner le temps de la réflexion et de la concertation. L'engrenage de la mastérisation a alors été temporairement arrêté puisqu'aucune maquette de master « métiers de l'enseignement n'a été habilitée ». La commission « Marois-Filâtre » et des groupes de travail ministériels sont mis en place.

En juin 2009, le ministère passe outre les travaux de la commission et des groupes de réflexion et présente au vote du Conseil Supérieur de la Fonction publique des décrets sur la mastérisation des personnels enseignants et d'éducation. Toutes les organisations syndicales de fonctionnaires CFDT, CGT, FO, FSU, Solidaires et Unsa refuseront dans un premier temps de siéger. Certains décrets seront ensuite adoptés pendant les vacances scolaires.

En juin 2009 toujours, le bureau de la CPU (conférence des présidents d'universités) et le président Daniel Filâtre décident de suspendre leur participation à la commission de concertation et de suivi de la formation des maîtres. Ils décident de continuer à réfléchir de leur côté avec les conférences de directeurs d'IUFM, de lettres et de sciences.

 

Un risque important de précarisation des personnels enseignants

Pour devenir enseignants avec titularisation dans la Fonction publique, il faudra réussir au concours et avoir un master 2. Au vu de la tendance à la suppression des postes de fonctionnaires et de la baisse du nombre de postes au concours, il y a fort à parier que l'on se retrouve avec de plus en plus de personnes formées aux « métiers de l'éducation » et détentrices d'un master mais qui n'ont pas le concours. Cette « main d'oeuvre » pourra alors venir gonfler les rangs de l'agence nationale de remplacement avec des contrats précaires...

 

Une formation dégradée et inégale

Lors des années de master, les périodes de stage sont réduites de manière drastique. Avant la réforme, le cumul des heures de stage pour les enseignants-stagiaires était d'environ 340 heures. La réforme ne prévoit pas plus de 108 heures pour les étudiants en master 2 (B.O. 31 du 27/08/09). De plus, comment les étudiants pourront-ils profiter pleinement de ces stages en préparant, parfois la même année, un master et un concours ? Comment envisager durant l'année de M2 que les étudiants puissent préparer le concours, se former au métier, à la recherche par le biais de l'écriture d'un mémoire, et se former professionnellement ? Cela relève du délire. Une formation post-concours est bien prévue mais à l'heure actuelle la réforme n'en précise ni le volume, ni les formateurs. Une solution pourrait être une formation initiale professionnelle rémunérée après le concours, avec un statut de fonctionnaire stagiaire, sous la responsabilité des IUFM, et une formation post-concours en alternance avec 1/3 du temps pour la prise en charge de classes en responsabilité, 2/3 pour l’analyse de pratique et les autres modes de formation.

La LRU suppose l'autonomie financière des universités qui gèreront la masse salariale des personnels mais aussi les moyens en postes. Elles pourront donc faire des choix politiques et l'on peut craindre que l'éducation qui ne rapporte pas beaucoup ne soit pas une priorité pour les universités.

De même, avec la LRU, chaque université peut mettre en place sa propre formation, son propre cursus et sa propre diplômation. Le risque de disparités dans la formation des enseignants est donc grand.

 

Les problèmes posés par la « mastérisation » sont donc nombreux et lourds de conséquences. Cette réforme ne sera pas accompagnée d'une revalorisation pour tous puisqu'elle ne sera applicable qu'aux enseignants qui passeront le concours à partir de 2010. Cette réforme ne nous convient donc pas. D'autant plus que de trop nombreuses questions restent en suspens. Dans quelles conditions se déroulera l'année de formation post-concours ? Quel sera l'avenir des IUFM et de leurs personnels ? L'unité des formations sera-t-elle garantie ? Les moyens destinés à la formation des enseignants seront-ils préservés ? Quelle sera l'articulation entre concours et masters ? Dans quelles mesures le gouvernement va-t-il poursuivre sa route vers la précarisation du corps professoral ? Pour l'instant, nous n'en savons rien...

 

Stéphane Guinot

Publié dans réformes

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